Je vois souvent passer, sur la blogosphère, des articles de mamans disant qu’elles ont du mal à se séparer de leur bébé, à le laisser à des inconnus, ou même à quelqu’un de confiance. Elles disent ainsi que toute séparation leur déchire le cœur, parlent de leurs larmes. Elles parlent aussi du fait qu’elles ont du mal à voir une autre personne s’approcher de leur bébé, de ce côté viscéral de leur relation. Je pense par exemple à Maman Louve ou à Die Franzoesin (et c’est en particulier en référence à cet article que j’ai nommé celui-ci), deux blogs que je lis toujours avec beaucoup d’attention. Ces articles résonnent bizarrement en moi : non, la séparation ne m’a jamais vraiment posé problème : être sans mon bébé, parfois, souvent, ça me fait du bien.
Souvent sans mon bébé
Une personne m’a demandé un jour si je laissais facilement ma fille à garder. Il se trouve que oui. Elle avait trois semaines la fois où, pour la première fois, je l’ai laissée pour une soirée à une copine. Et j’avoue que j’étais plus angoissée pour mon amie que pour Poupette. Que pouvait-il lui arriver ? A trois semaines, pour peu que l’amie soit appliquée, et elle l’est, aucune catastrophe (du type elle a avalé une pile) ne pouvait se produire. Au pire, Poupette allait pleurer sans discontinuer, et c’est là que ma compassion pour mon amie n’avait pas de mesure : la pauvre, elle risquait de passer une soirée vraiment atroce. Il se trouve que ça s’est très bien passé, elle a un peu pleuré (Poupette, pas la copine), elle l’a prise dans ses bras et ça a été. Et c’est relativement souvent que nous l’avons laissée, souvent à des amis, comme ça le soir. Mon amoureux travaille beaucoup le soir, donc si je dois aussi sortir, on n’a pas trop le choix.
Des moments sans elle, depuis toujours
Sortir à deux, aussi, a été une évidence. Nous qui avions l’habitude de sortir au resto, souvent, avions besoin de ces moments. C’est au resto que se sont prises nos plus grandes décisions : emménager ensemble, faire un bébé. Et comme Poupette n’est pas la dernière décision de notre vie, nous allons certes moins au resto, mais n’avons pas non plus fait une croix là-dessus.
Quand Poupette a eu 6 mois, nous l’avons laissée pour la première fois plusieurs jours, chez mes parents, le temps d’aller nous ressourcer à la montagne. Quatre jours complets, pour une première vraie séparation, ça ne nous a pas fait peur. Et comme mes parents ne sont pas du genre à nous envoyer des nouvelles et des photos toutes les deux minutes (mais plutôt tous les deux jours) (vous connaissez l’adage, « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » ?), eh bien il a fallut faire avec l’absence. Et tout le monde s’en est très bien sortis. C’est vrai que j’étais triste, après l’avoir laissée, mais mes larmes n’ont pas coulé très longtemps. Ces quelques jours m’ont fait du bien, et j’étais très heureuse de la retrouver.
Être séparées, pour son bien, pour le mien
Parce que c’est ça, le nerf de la guerre. Quelle maman, quel parent est-on ? Et avant tout, quelle personne est-on ? Je suis personnellement l’antinomie de la patience. Je suis souvent irascible, soupe-au-lait, dirons-nous. Je peux être agacée facilement, crier facilement. Alors, passer des jours et des jours collée à ma fille, qui est particulièrement énergique, très demandeuse (un enfant, en somme), ça m’est difficile. Je pense que certains doivent penser d’office « ce doit être une mauvaise mère ». Je ne pense pas. Je pense qu’il vaut mieux, dans une journée, deux ou trois heures passées avec ma fille, dans lesquelles ont est heureuses d’être l’une avec l’autre, où ce temps est utilisé à jouer, à profiter, qu’une journée entière passée à être agacée, à crier. Je préfère le qualitatif au quantitatif. Une mère parfaite pourrait faire du qualitatif 24h/24, mais je ne suis pas une mère parfaite. Et d’ailleurs, qui l’est ?
Des journées dans elle
Alors, j’aime ces journées qu’elle passe à la crèche, à vivre d’autres choses que celles qu’elle aurait vécues avec moi, avec d’autres personnes. Qu’elle prenne ailleurs des choses que je ne pourrais pas lui apporter. Et de mon côté, vivre ma vie, et la retrouver en pleine forme, sans exaspération. Il me tarde, quand elle parlera, qu’elle me raconte ses journées, et toutes ces petites choses insignifiantes de son quotidien qui seront autant de trésors pour elle, et qu’elle me transmettra.
Mais pourvu qu’elle soit bien…
Mais bien-sûr, pour que tout ça se passe bien, il faut que je sois sûre que elle, elle est bien, avec des personnes en qui j’ai confiance et en qui, aussi, elle a confiance. Je racontais ici que ses débuts à la crèche ont été difficiles. Je l’entendais hurler quand je partais, et ça me déchirait le cœur. Je savais, en rentrant le soir, que sa journée avait été compliquée, et je me sentais mal. Et pourtant je l’attendais avec impatience cette rentrée à la crèche, moi qui avais une thèse à finir, qui avais vraiment besoin de temps sans elle pour mener au bout mon projet, mais il m’était réellement difficile d’être sereine dans cette séparation. Jusqu’à ce qu’elle se sente bien à la crèche et que je la laisse, sans pincement au cœur aucun, vivre sa journée pour la retrouver le soir, et jouer avec elle, lui donner le bain, lui lire des histoires, faire moult chatouilles et gouzi gouzi. De même, j’ai du mal à la laisser à des personnes en qui je n’ai pas totale confiance. Ou quand des gens que je ne connais pas, dans la rue par exemple, se mettent à la toucher. Mon poil de maman se hérisse et je leur hurlerais bien d’aller mettre leurs sales pattes ailleurs. Je peux être une maman louve, ou lionne, ou dracula, si on touche à ma fille.
Et cette histoire d’autonomie ?
Il n’empêche que je m’interroge : on parle toujours d’autonomie quand on parle de nos bébés, c’est très à la mode tout ça, et je suis totalement là dedans. Depuis toute petite on la pousse à faire sa vie. Je ne pense pas qu’on soit ces fameux parents au pied du toboggan, loin de là. On sécurise un périmètre et on la laisse évoluer à l’intérieur, et notre périmètre est je pense bien plus large que le périmètre d’autres parents (oui, avouons-le, des personnes se sont déjà demandé à qui était cet enfant qui courait sur la fontaine sans parents à grande proximité – nous étions à quelques mètres). Mais est-ce que les parents « collants » font mal les choses ? A lire les personnes que je cite en introduction, pas forcément : les petits ont été extrêmement rassurés étant bébés, et semblent pouvoir s’envoler avec autant d’aplomb que notre petite Poupette.
Une seule manière d’élever ses enfants ?
Ainsi, en revient-on toujours au même point : chaque parent est différent, puisque chaque personne est différente (ne me donnez pas de prix Nobel pour cette phrase, j’insiste). Et se faire violence en essayant d’être le parent qu’on nous dit qu’il faut qu’on soit dans tous ces livres bien-pensants ne nous mènera nulle part. On peut s’en inspirer, bien évidemment, mais il ne faut pas s’oublier. Ma fille, vu mon caractère, doit être heureuse de ne pas avoir à me supporter 24h/24, je vous l’assure ! Et ce n’est pas parce que je laisse ma fille tomber, se relever, retomber, etc, sans intervenir vraiment (quand je faisais de l’équitation, on disait qu’on ne sera jamais un bon cavalier si on n’est pas tombé 100 fois, alors…) que je ferai d’elle une meilleure personne que le parent qui se précipitera, consolera, à la moindre chute.
Mais pourvu qu’on soit bien…
Un jour, une maman de la crèche, après des vacances, m’a dit, en parlant de sa fille : « je me sens mal mais je suis soulagée qu’elle reprenne enfin la crèche », je me suis dit que le problème était là : on nous impose tellement d’être une mère comme ceci ou comme cela, que la culpabilité est au coin de chaque émotion (lisez un peu les blogs de mamans, et vous verrez comme c’est frappant).
Alors je le dis sans culpabilité : j’aime ma fille, plus que tout, plus que la lune ou le soleil, plus que la vie plus que l’amour (là, je mérite au moins le Goncourt, non ?), mais je l’aime encore plus quand je ne la vois pas toutes les heures de tous les jours de toute l’année.
Et vous, quel type de parent êtes-vous ? Collant ou distant ? Ou juste au milieu ?
4 Comments
C est un magnifique article, je suis ravie de te l avoir inspiré !! Et je suis d accord avec tout ce que tu dis, rien à ajouter. Il y a différents types de mamans, et alors ? L important c est le bonheur de nos enfants 🙂 .
Merci pour ton retour !
En effet, ce n’est pas parce qu’il y a différents types de mamans que les enfants sont plus ou moins malheureux. L’essentiel c’est l’amour qui est donné, et non pas la façon de le donner…!
J’aime beaucoup ton article que je découvre via le blog de Die Franzoesin ^^.
Et je pense que ton approche est la bonne, on fait beaucoup culpabiliser les mamans, alors que finalement, tant que adultes et enfants sont bien, pourquoi vouloir les faire rentrer dans des cases?
Toujours cet idéal de la mère très maternelle, mais qui reste femme, très préoccupée, qui sait toujours quoi faire pour répondre aux besoins de ses enfants, qui allaite un peu mais pas trop non plus, il ne faut pas déconner, bref, il y a en effet autant de mères que de femmes, et heureusement !!
Merci de ton message en tout cas, je file découvrir ton blog 😉