Le titre de cet article peut prêter à sourire mais c’est une question que je me pose vraiment. Personnellement, je pense avoir la réponse, mais j’ai l’impression que ce n’est pas évident pour tout le monde. Les bébés sont-ils des êtres humains ? Ou des poupées qu’on habille ? Ou des animaux que l’on balade ? Quelle différence ? Où trouver la limite ? Si je me pose ces questions, c’est que certains comportements me questionnent réellement.
Par exemple, comment parle-t-on aux bébés ? Et surtout, pourquoi certaines personnes prennent une voix aiguë et donnent l’impression que le bébé est bête ? Pourquoi n’utilise-t-on pas les vrais mots ? Un biberon est un « bibi », rien n’est plus joli mais « zoli », et les « ch » deviennent des « s »* : « ma sériiiiiiie »**. On leur pose des questions « mais il est où papa ? » (quand celui-ci est devant, bien entendu) « tu as fait un petit prout ? » etc. Ne peut-on pas leur parler normalement, comme à tout être humain ? Leur apprendre, par la même occasion, que ce sont des êtres que nous respectons. Et je ne parle même pas des surnoms qu’on leur inflige…
Respecte-t-on les bébés ? Par exemple, parlons de leur intimité : certes, ils ne sont pas tout de suite capables de se laver, d’aller aux toilettes tout seuls. Ok. Mais faut-il vraiment parler de leur caca à tout le monde ? « il a fait caca mou ». Ou même faire une revue détaillée de tout ce qu’ils mangent ? « elle a laissé 20ml dans son biberon — son bibi ». Est-ce que les premières règles passeront dans le journal ?
Comme des animaux, on dit « on va promener », « assis ». On les dresse. Comme des poupées, on les habille. Il n’y a qu’à voir certains articles proposés en magasin pour se demander jusqu’où on va… Un bébé doit-il s’habiller comme un adulte ? Les imprimés panthère, les t-shirt à inscriptions dont ils n’ont aucune idée de ce qui est inscrit sur ce qu’ils portent, les blousons en cuir, les bottines à clou. Suis-je réac de penser qu’un bébé, c’est plus joli en sandalettes ?
Mais les bébés sont des bébés. Ils ne peuvent pas prendre eux-mêmes des décisions. On est souvent contraints d’en prendre pour eux, et même des décisions de la plus haute importance. On choisit par exemple leur prénom, qui leur collera à la peau toute leur vie. Et ce n’est pas rien, c’est d’ailleurs pour ça que cette question est une des plus souvent posées pendant la grossesse. Mais je pense qu’on peut éviter de prendre certaines décisions qui seront, souvent, irrémédiables. Le choix de la religion par exemple. Je sais que ça fait souvent partie de la coutume, mais baptiser un enfant, n’est-ce pas choisir à sa place dans quelle religion il s’inscrit ? Encore que ça, on peut le faire annuler. Et lui percer les oreilles ? Encore une fois, c’est une question de coutume, mais faire des trous dans les oreilles d’un enfant sans lui poser de questions, c’est choisir pour lui, c’est modeler son corps sans lui demander la permission. On dit que comme ça il a moins mal, il ne s’en souvient pas. Pourquoi pas du coup lui tatouer déjà « Maman je t’aime » sur l’épaule, ce serait aussi moins douloureux…
Certainement, j’imagine que la plupart des gens ne se posent pas toutes ces questions. Et même que la plupart ne sont pas d’accord avec moi. On fait, comme on a toujours fait, et comme on fera toujours, comme on peut. On fait avec qui on est, avec ce qu’on veut transmettre. Peut-être est-ce la confrontation avec des façons de faire différentes qui m’incite à me poser certaines questions d’éducation. Mes lectures aussi : je suis par exemple sensible à ce qui relève de la motricité libre, je suis en train de regarder ce qui se dit du côté de la discipline positive, je lis Isabelle Filliozat, et dans toutes ces lectures, les bébés sont considérés comme des être à part entière, des adultes en devenir, qu’il faut respecter comme tels, qu’il faut pousser à l’autonomie, pour en faire des adultes, plus tard, responsables : ne pas faire à leur place ; les encourager ; leur dire qu’ils sont capables et qu’on croit en eux.
Comment faire alors ? Ignorer ces personnes, c’est une idée. Mais quand il s’agit de personnes qui font partie de l’entourage de Poupette ? Comment concilier les principes d’éducation auxquels je tiens et les gens qui ne sont pas nécessairement sensibles à ces principes ? Faut-il que je sois comme une louve, à protéger coûte que coûte mon enfant, à ne rien laisser passer, à la préserver de certaines pratiques ? Faut-il expliquer aux gens ? Jusqu’où accepter les différences ? Jusqu’où renoncer à certains principes qui me tiennent à cœur ? Je n’ai la réponse à aucune de ces réponses, mais serais ravie d’avoir quelques bribes de vos réponses…
Et en attendant, je vais faire un bibi pour donner à manzer à ma fifille 😉
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* Ce qui m’embête vraiment, surtout quand le prénom de sa fille commence par un « ch »…
** On parle bien d’un bébé et non pas de la dernière saison de Mad Men que je n’ai pas vue — comment ça j’ai quelques années de retard ?!!
4 Comments
Je m’étais dit que je répondrai à cet article quand il est sorti mais quand on a un bébé on passe dans des failles spatiaux temporelles il faut croire…
Je suis aussi une adepte de l’éducation positive, et je m’appuie beaucoup sur les (vieux) travaux de Vygotsky.
Pour moi les bébés sont bien entendu des humains et des adultes en devenir (et non pas des adultes miniatures, leurs envies et leurs besoin étant différents). J’essaye de donner une éducation à ma fille où elle peut faire de manière la plus autonome possible, et où elle se construit en tant qu’être unique doté de ses propres choix. J’ai toutefois quelques comportements que tu décris :
– Elle boit des « bibis ». Même si j’utilise une voix normale pour le dire ;p Au niveau des praxies bucco faciale et « bi » doublé est beaucoup plus facile que le biberon (le RON c’est la galère quand même !) et je me dis qu’elle prononcera plus facilement le mot comme ça. C’est un peu l’étape 1. Quand elle saura le dire, on pourra passer au mot « biberon ». Vu que je signe pour les mots clés et que le signe restera fixe, j’espère qu’elle fera facilement la transition.
– Des fois je fais des trucs qui peuvent avoir l’air stupide devant elle. En fait j’imite le panel de mouvement qu’elle a a sa disposition pour créer des petites routines d’interaction. Ca me permet de lui proposer les coordinations qui viennent juste après, des fois qu’elle aussi ai envie de m’imiter…
– Je peux faire le « ou est papa » mais pas quand il est pile en face. Ca permet de développer l’attention conjointe et l’exploration visuelle de l’environnement.
Voilou je suis peut être à côté, mais je fais de mon mieux avec mes propres outils 😉
Merci pour ton retour ! Moi même il m’arrive de prendre, parfois, une voix un peu niaise, jusqu’à ce que je me rende compte que ça n’a aucun intérêt. Je m’arrête donc. Mais comment le faire remarquer aux personnes autour de nous sans les vexer ?
Et pour les trucs stupides, je ne te le fais pas dire, heureusement qu’il n’y a pas de caméra chez moi 😉 (hein, il n’y en a pas ? 😉 )
De toute façon, comme tu le dis, chacun fait de son mieux. Avec ses outils, son histoire, son éducation… Certains ne se posent pas toutes ces questions, et c’est peut-être moins fatigant que de se demander toujours : est-ce que je la respecte ? Est-ce que je la considère comme un être humain ?
J’ai très peu de gens autour de moi avec ce genre de comportement, du coup, vu que je sais que les rares qui le font n’ont pas de mauvaises intentions, je laisse faire. Je me dis que c’est aussi un apprentissage que de savoir que les gens nous abordent et se comportent différemment, un peu comme « les règles ne sont pas les mêmes partout » et chez mamie on fait un peu n’imp…
Sinon quand je ne veux pas vexer les gens soit je fais de l’humour, parce que les gens sont habitués avec moi (tu lui apprends le trouble du langage seconde langue ?) soit je balance tout sur le dos de la petite (elle a pas l’habitude qu’on lui parle comme ça alors ça lui fait un peu peur)
[…] si, comme je l’expliquais ici, on emploie nous, quand on parle à Poupette, les mots tels qu’ils sont prononcés par les […]