Blind Taste, ou le théâtre enivrant

Il y a des spectacles dont on se dit, en sortant, « ils ont tous compris ». Il y a ceux qu’on va voir parce que ce sont des copains et qui finissent par nous cueillir alors qu’on ne s’y attendait pas vraiment, du moins pas comme ça. Il y a des spectacles qui nous reviennent souvent en mémoire, dans la vie de tous les jours, parce qu’on y a appris des choses. Il y a des spectacles où on rit. Il y a des spectacles qu’on a envie de revoir, pour être certain d’avoir bien tout saisi. Blind Taste est de ceux-là, tout à la fois.

Un spectacle de théâtre sur le vin, à Bordeaux. Quoi de plus logique ? Et pourtant, ils ne courent pas les rues. Blind Taste raconte l’histoire d’un type plein de sous, Jack, qui a pour unique passion de faire fructifier tout ça en bourse, investir, revendre, etc. C’est comme ça qu’il vient acheter un château dans le bordelais. Mais dans ce château un homme, nommé tout simplement Monsieur, maître de chai, demeure : il connaît chaque cep, chaque bout de terrain, les assemblages de chaque millésime. Ce château, ce vin, c’est sa fierté et il y a consacré sa vie. La confrontation des deux personnages va provoquer nombre d’étincelles et des péripéties (je ne dévoile pas tout sinon pas de suspense !) à faire pâlir les comédies hollywoodiennes. Et le spectacle devient prétexte à un voyage initiatique dans le milieu du vin, à une leçon de dégustation dans laquelle le spectateur est joyeusement convié. Côté scénographie, c’est sobre et beau, et en écho à cet univers œnologique : un cep de vigne, arrosé avec amour, un fauteuil magistral réalisé en douelles de barriques par Rémi Denjean, quelques fûts. Et les Quatre Saisons de Vivaldi qui rythment l’intrigue, nous entraînant dans la torpeur de l’hiver ou le renouveau du printemps. Monsieur, au fil du spectacle, va nous apprendre à voir, à écouter, à sentir, à humer, à goûter. Jack en ressortira grandi, nous aussi.

Blind Taste a été créé par deux comédiens, Cyril Cosson et Philippe Souque, qui ont écrit le texte, l’ont mis en scène (assistés d’Augustin Mulliez) et qui en sont les deux comédiens. Depuis quelques mois, ils en font la promotion, le jouent régulièrement dans différents lieux, à Bordeaux ou plus loin (jusqu’à Singapour !). Pour continuer l’aventure, ils ont décidé de sortir un livre dans lequel on retrouve non seulement le texte, en français et en anglais, mais également des photos. Pour accompagner cette sortie, trois dates sont programmées, trois dates pendant lesquelles on pourra (re)voir ce spectacle, déguster un verre de vin de Romain Rivière (Château La Croix Taillefer et Château Bonne Rives), acheter le livre, rencontrer les comédiens, bref, passer un bon moment !

Et vous l’aurez compris, je vous invite vivement à y assister, vous comprendrez ce que L.I.B.R.E veut dire (haha, sauront ceux qui iront !), et vous ne dégusterez plus jamais le vin de la même façon ! Une autre manière de découvrir Bordeaux et son patrimoine œnologique. Mais la culture permet tous les voyages, n’est-ce pas ?