Présumée coupable. Voilà ce que je lis chez Picou Bulle. Elle n’a pas tort. Dès le moment où une femme émet l’idée d’avoir un bébé, le festival de jugements commence. « Et tes études ? Tu n’es pas trop jeune ? Pas trop vieille ? C’est pour faire comme les copines ? Et ben tu en as mis le temps ? T’es sûre que c’est le bon ? » Quand on est enceinte, tout s’accélère. On devient coupable, sans présomption d’innocence. Coupable de manger de la charcuterie quand même. Coupable de ne pas manger de charcuterie et d’être trop précautionneuse. Puis après, le bébé est là, et plus moyen de revenir en arrière. On est encore et toujours coupable. Coupable de faire dormir notre enfant dans sa chambre. Coupable de faire dormir notre enfant dans notre chambre. Coupable de donner le biberon. Coupable d’allaiter. Coupable d’allaiter longtemps. Coupable d’allaiter trop peu de temps. Et même, croyez-le ou pas, coupable d’avoir fait naître son enfant un 31 décembre.
Dans la rue, les gens bien intentionnés (les croquantes et les croquants) se piquent sans cesse de commentaires. Le « pauvres petites mains » que je racontais ici. Ou du positif : ma fille, dans la poussette, en train de regarder un livre et une femme qui me sort : « ah c’est bien ça ». Chacun de nos gestes est épié, mesuré, commenté. Le bébé aurait trop chaud habillé comme cela, ou serait mal positionné. On dépense trop d’argent pour lui. Ou on fait les mauvais choix. On ne veut pas le laisser, ou alors on le laisse trop. Peu importe ce que nous faisons, il y aura toujours quelqu’un pour nous dire que ce n’est pas bien, ou que c’est bien.
Sans cesse, j’ai l’impression de passer un examen, comme un examen du code de la route, celui du code de la parentalité. Mais le code change selon chaque personne que nous rencontrons. Et on reçoit des bons ou des mauvais points.
Le problème, c’est que cette culpabilité, nous la portons forcément en nous. Si on crie trop, si on n’en fait pas assez, ou qu’on en fait trop, si on aurait voulu faire différemment, si on a échoué. Le poids est tellement lourd sur les épaules de chaque mère que nous ne pouvons pas nous empêcher, souvent, de l’alourdir encore. Nous la portons en nous, cette culpabilité, et c’est, je pense, à un certain degré, ce qui finalement nous permet d’avancer vers la perfection. Le but du voyage n’est pas important, c’est le chemin pour y parvenir qui l’est. Jamais nous ne serons parfaites, mais nous voulons faire du mieux possible, c’est ça qui compte. C’est l’élan que nous donne cette culpabilité qui est primordial, et non pas la culpabilité qui nous tétanise. Voilà où j’essaie d’en arriver. De me dire que j’ai sous ma responsabilité un être humain, et que c’est de mon devoir de faire au mieux ; si la culpabilité que je porte en moi me permet d’y arriver, je ferai avec.
Mais pour ce qui est de la culpabilité des autres, celle que nous accorde souvent les femmes, celles-là même qui sont mères, et à qui on a fait porter ce même poids coupable, leurs remarques faisant souvent ressortir leurs échecs ou leurs regrets, celle-là même, de culpabilité, je la trouve révoltante. Nous devrions nous aider, nous devrions faire front.
Alors, finalement, si on s’en foutait ? Si on envoyait tout balader, pour une fois ? Voilà où j’en arrive aujourd’hui, depuis deux ans que je suis maman. Sans vulgarité aucune je vous dis merde, à vous qui me donnerez encore et toujours des bons ou des mauvais points. Je suis mère, je suis donc forcément coupable. Alors coupable pour coupable…
Et vous, vous la ressentez comment, cette culpabilité ?
7 Comments
Merci pour ce beau texte, et ce partage! Je te donne pas mon avis, hein, déjà fait ;o)? Quoique, j’en remets une couche pour souligner que tu as bien raison, même les remarques positives, pourtant bien attentionnées, et qu’on prend souvent avec plaisir au moment où on nous les donne, sont porteuses de ce jugement et de cette comparaison à la mère parfaite que personne n’a jamais vue! Alors comme de toute façon, ni les autres, ni nous mêmes ne nous empêchons de nous voir coupables, autant ne pas se laisser atteindre, mais plutôt l’accepter, et ne pas se prendre la tête la dessus!
C’est ton article ainsi que les commentaires que Maman Louve a reçus sur un de ses billets qui m’ont décidée à écrire celui-là. Merci 🙂
en ce moment j’ai beaucoup de mal avec mon grand de 19 ans au point que j’envisage une thérapie pour lui et moi histoire de mettre des mots sur nos maux , et tu ne peux pas savoir à quel point ce que tu dis me touche , coupable de trop ou de pas assez , coupable d’aimer , coupable par défaut aussi vu que chez moi de papa y’en a pas , depuis 10 ans qu’on s’est séparés il n’a pas pu/voulu trouver sa place avec ses enfants (voulu plus que pu , déjà quand on était ensemble il ne voulait pas s’impliquer dans la gestion de crise et dans le quotidien ), alors oui surement que je suis coupable de n’être pas une mère parfaite , mais c’est très bien , parce que la mère parfaite elle a forcement des enfants parfaits , et les miens ne le sont pas , loin de là , et je les aime tout aussi imparfaits qu’ils soient.
Ce que tu dis montre bien que la culpabilité ne va pas s’arrêter au stade « enfant petit » ou « bébé »… Bon courage Hélène !
Non et j’ai bien peur que ça ne s’arrête qu’avec nous… on devient mère et on le reste jusqu’à son dernier souffle , mais finalement tu as raison la culpabilité c’est aussi un moteur , à nous de transformer ce sentiment en quelque chose d’utile (et de se pardonner aussi , parce que même si on ne fait pas tout bien , tant qu’on fait de son mieux … )
De mon côté j’ai l’immense chance d’avoir une famille et des amies qui ne se permettent jamais aucun jugement. Mes seuls moments de culpabilité viennent de moi même 😉
Par contre je l’ai souvent vécu de la part de professionnel. A la maternité j’ai même fini par virer une puer de ma chambre en disant que je ne voulais plus JAMAIS la revoir ni entendre sa voix (c’est long, je le raconterai peut etre un jour sur le blog, mais dès le premier jour de mademoiselle S elle a enchainé les accusations, et si je n’étais pas d’accord c’est que j’étais dans le déni…).
Depuis je fais le ménage : Si un pro me juge, j’en change. Mais je trouve ça étonnant qu’en 2017 avec l’état des connaissances actuelles, on se permette encore de balancer des saloperies au pif sur les mamans !
Thanks 🙂